Peux tu te présenter rapidement ?
Je m’appelle Quentin, 28 ans. J’ai commencé l’apnée il y a quatre ans, avec une interruption d’un an à cause d’un accident en mars 2016 ayant entrainé une paraplégie (vertèbres T6-T7).

Comment as-tu découvert l’apnée ?
Grace à des amis. Je pratiquais avec eux d’autres sports mais ne savais pas nager (j’étais en fait presque aquaphobique). Pour me sortir de mon inconfort au travers de nouveaux exercices, ils m’ont proposé de me mettre à la nage instrumentée. Les suivant avec confiance, j’ai commencé en septembre 2014 par quatre mois de nage avec palmes, masque et tuba pour me familiariser et me rassurer. Et en janvier suivant ce fût le baptême d’apnée… et le coup de foudre.

Pourquoi coup de foudre ?
Contrairement à la nage en surface, l’apnée se pratique majoritairement sous l’eau. Ne sachant pas bien ventiler en surface sans tuba, retenir mon souffle le temps de l’apnée a été curieusement libérateur. N’avoir à me préoccuper que de nager en profitant de la sensation de glisse, fut vraiment une expérience à part… jusqu’à que le manque d’oxygène brûle trop les poumons et me fasse vraiment profiter de la reprise d’air.
Après cela, j’ai continué à raison de deux entraînements par semaine, plus un de nage avec palmes et tuba. Pour plus tard, j’ai osé les abandonner et j’ai commencé vraiment à progresser.

Comment es tu revenu à l’apnée après ton accident ? Beaucoup d’handicapés ne souhaitent pas revenir à leur activité « d’avant ».
Tout le monde réagit différemment à un handicap. La vie change brutalement, ainsi que la perception qu’on en a. On voit d’abord tout ce qu’on pense ne plus pouvoir faire. Moi, j’ai surtout essayé de voir ce que je voulais encore faire. Or en parlant avec les autres personnes au centre de rééducation, il est apparu que presque tout était encore possible avec des adaptations adéquates… Du coup, pour moi l’essentiel a tout de suite été de reprendre ma vie comme elle était : boulot, moto, promenade dans les montagnes avec mon chien, nage…
Dans mon centre, il y avait une piscine. Il a fallu deux mois pour que j’aie le droit d’y aller. Après plusieurs séances de découverte des nouvelles sensations et mobilisations, j’ai demandé à aller sous l’eau. Trois mois après mon accident, je reprenais donc doucement l’apnée en bassin… pour découvrir qu’il était désormais beaucoup plus confortable de nager au fond l’eau qu’en surface : les jambes ne pouvant tomber plus bas que le fond, la glisse était relativement meilleure.
Pendant ce temps de rééducation, les responsables et encadrants de mon club d’apnée clermontois ont tout de suite commencé de se renseigner sur les modalités d’accueil d’un pratiquant à mobilité réduite. La fédération d’apnée ne prévoyant rien à cet effet, certains d’entre eux ont passé une formation d’accompagnement à la plongée sous marine. Grâce à eux et à leur rapide mobilisation, j’ai pu reprendre la pratique en club dès mars 2017, soit tout juste un an après mon accident.

Alors maintenant, comment t’entraînes-tu ?
Très généreusement, les responsables du club m’ont accordé une ligne d’eau réservée pendant une heure deux fois par semaine. Cette espace a été particulièrement important pour des raisons de sécurité et pour avoir la place d’évoluer sans gêner qui que ce soit ni être gêné. En effet, je devais réapprendre à nager efficacement et à me sécuriser dans l’eau, avec pour objectif l’intégration à un groupe ordinaire en fin de saison 2018.
Pendant l’entrainement, je suis toujours en binôme avec un encadrant. J’utilise une combinaison jambes et bras courts d’un millimètre, pour aider la flottaison et à la régulation thermique. De plus, l’emploi d’une monopalme a été très intéressant pour apporter la portance nécessaire aux jambes en surface et les empêcher de couler. Pour la pratique sous marine, j’utilise comme avant un plomb de cou de deux kilos pour assurer l’alignement du corps durant la nage. Pour la sécurité, je le retire et le laisse au fond de l’eau lorsque je veux remonter.

Quelle est ta discipline préférée et pourquoi ?
J’ai toujours aimé autant l’une que l’autre (statique et dynamique), mais depuis ma reprise, la priorité a été le travail autour de la nage. J’ai tout de même eu l’occasion de pratiquer l’apnée statique en bassin extérieur chauffé (je me refroidis beaucoup plus vite qu’avant), ainsi que de très intéressants entraînements à sec.

T’es-tu fixé des objectifs dans l’apnée et si oui, lesquels ?
Outre une progression régulière, pas vraiment. Pour la saison prochaine, mon objectif serait d’atteindre les 50m en bassin de 25m (37,5m pour cette fin de saison) et d’être en capacité de répéter la distance. En statique, j’espère retrouver et stabiliser ces 4 minutes 30 atteintes une fois cette année à sec.
Aussi, je voudrais retourner aussi souvent que possible en fosse. Je n’y suis retourné qu’une fois cette saison, et cela c’est très bien passé, avec des descentes dans une petite fosse de 6m. J’ai malheureusement dû abréger rapidement la séance à cause du froid. J’ai depuis fait faire une combinaison sur mesure que je suis impatient d’essayer.

Qu’est-ce qui t’a donné envie de faire de la compétition ? J’ai cru comprendre que l’Open de Lyon a été la première ?
J’avoue que depuis gamin je n’ai jamais été très compétition. J’aime pratiquer pour moi même, avec les copains, sans plus de pression que mes propres objectifs. Maintenant, quand l’un d’entre eux m’a proposé de participer avec lui et de venir faire l’Open en équipe, j’ai saisi l’occasion comme un défi à relever. De plus, l’objectif était clairement de montrer qu’il était tout à fait faisable d’intégrer le handicap dans une compétition d’apnée.
C’est d’ailleurs ce qu’y s’est passé, très simplement, grâce à l’ouverture et à la motivation des organisateurs de l’Open et bien sûr de toute mon équipe !
Maintenant, si un paraplégique a pu participer à une compétition pour valides après seulement une année d’entraînement, pourquoi pas d’autres pratiquants avec d’autres handicaps ?
J’espère qu’avec des évènements comme celui ci, et la demande de reconnaissance de pratiquants « handi », la fédération ouvrira une section « handi apnée ». Bien sûr, cela nécessite le temps de créer les formations, former les encadrants volontaires et de sensibiliser les clubs. Aussi, il serait intéressant d’informer le milieu de l’apnée, ainsi que les intéressés à la pratique, des possibilités de pratiquer l’activité, ainsi que de l’avancée des démarches en ce sens.

Comment t’es-tu préparé avant de participer à notre 3° édition ?
J’avoue ne pas avoir beaucoup varié mon entraînement habituel. L’important n’étant pas la performance, on a surtout travaillé sur le protocole de départ de l’épreuve dynamique pour être aussi efficace que possible tout en étant dans les règles (main ou pied au mur), et sur le protocole de sortie, verticalisation sans assistance, ventilation et geste « OK » aux arbitres. Ça nous a pris un moment pour trouver la manière, avec un peu d’improvisation sur le moment !

Comment résumerais-tu cette expérience pour quelqu’un qui ne connaît pas l’Open Apnée Lyon ?
Pour ma première inscription dans la compétition, je ne pouvais pas rêver mieux !  Le format par équipe m’a vraiment plu : concourir pour et avec les copains et non pour soi-même rend le cadre vraiment accessible à tous les pratiquants. Même ceux qui sont comme moi et font du sport pour le plaisir sans pression… En plus, l’accueil était très chaleureux, plein d’écoute et le cadre magnifique (les quais du Rhône avec vue sur Fourvière quand même !) avec une météo bien ensoleillée !

A titre personnel, qu’en as-tu retiré ?
Je l’ai fait ! Deux ans après mon accident et malgré les roulettes j’ai participé à ma première compétition d’apnée, qui plus est avec des valides, et je n’ai pas eu à rougir de mes performances.
Et avec l’accueil proposé cette compétition aura été un super moment, tant au niveau humain que sportif !

On compte sur toi pour la 4° édition ?
Oh que oui !

Que dirais-tu à une personne qui hésite à s’inscrire ?
Tout comme précédemment : un évènement avec des copains dans un cadre comme celui là, avec un encadrement aussi chaleureux, ça ne se loupe pas. Même quand on n’est pas compétiteur, l’ambiance est détendue et la pression de la performance individuelle est reléguée derrière le plaisir d’être là.

Un message à faire passer à d’autres apnéistes ou à des personnes qui se posent des questions sur notre discipline ?
Je dirais que si l’apnée est l’arrêt volontaire de la respiration, alors tout le monde peut pratiquer, quelles que soient la discipline et l’ambition. D’ailleurs, j’imagine très bien un pratiquant tétraplégique champion du monde d’apnée statique ! Mais avant d’en arriver là, il faudra que la fédération d’apnée travaille enfin à l’intégration de tout le monde, et bien entendu que les clubs ouvrent leur porte aux prétendants !

Merci Quentin pour ton témoignage !

crédit photos : Laurent Farges


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